Refondation morale

Publié le par Mahalia Nteby



C’est un drame sans fin pour les victimes des déchets toxiques et du navire grec Probo Koala. Les manifestations publiques, auxquelles elles tentent de se livrer pour se faire entendre, se déroulent dans l’indifférence générale. Certaines d’entre elles - et elles sont nombreuses - ont été omises. Pour diverses raisons. Et, du coup, elles ne sont pas concernées par l’opération d’indemnisation qui est en cours. Elles se sont mobilisées pour crier leur colère et obtenir réparation. Aussi, font-elles le pied de grue devant les points focaux de réclamation, espérant gagner la bataille contre l’habituelle lourdeur administrative ivoirienne. Sans grand espoir. D’autres, et elles sont aussi en grand nombre, ont eu la chance d’avoir été identifiées. Mais la plupart subissent le supplice de Tantale. Pour elles, c’est, en effet, la croix et la bannière pour se faire payer. Des noms et/ou des prénoms de victimes sont mal orthographiés ou incomplets. Il leur faut alors affronter les lourdes procédures administratives et les réticences toujours déprimantes pour être rétablies dans leur droit. Aussi, se dressent-elles pour espérer venir à bout de la gangrène de la corruption qui continue de ronger notre administration. Sans grand espoir d’être entendues.

Dans ce pays, où la course au gain facile est le sport le plus pratiqué et où l’occasion fait toujours le larron, les vraies victimes et les fausses victimes s’évertuent chacune à tirer un meilleur profit de l’opération d’indemnisation en cours. Opération qui commence à prendre l’allure d’une traite. Avec des scènes honteuses qui décrédibilisent notre pays. Des agents du Trésor public sont accusés, menace de fourniture de preuves à l’appui, de procéder à des extorsions de fonds pour dédommager ceux dont les noms sont incomplets. Des truands, en relation avec des complicités plutôt bien placées, se démènent comme de beaux diables pour figurer sur les listes. Certaines vraies victimes, pressées de toucher leur dû, n’hésitent pas, du reste, à faire du faux et usage de faux. Cas de la Malienne Diallo Djéliba, victime ambulatoire, qui a été déférée ce mardi à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). En lieu et place de sa carte consulaire périmée, elle a présenté une fausse pièce d’identité ivoirienne (Cf. Fraternité Matin n°12.808 du 18 juillet 2007).

Comme on peut le constater, la Côte d’Ivoire est restée égale à elle-même. Même dans cette douloureuse épreuve. Et continue d’apparaître dans toute sa nudité et sa laideur: un pays miné, jusqu’à la moelle, par le racket tous azimuts et la falsification sans retenue de documents administratifs et autres. Notre pays est descendu tellement bas dans l’échelle des valeurs morales et des vertus que nul, désormais, ne peut échapper à ces associations de malfaiteurs qui, par le chantage et l’intimidation, font la pluie et le beau temps. Où et quand ils le décident. Dépouiller les ayants droit à des prestations? C’est le cadet de leurs soucis!

Il n’existe plus aucun service dans notre pays où ne règne l’implacable loi des passe-droits. A la Justice, dans les centres de santé, dans les centres d’examen, à la Fonction publique – là, c’est le bouquet! -, à la… morgue, au commissariat de police… Partout, en somme. Parce que partout, le “fais-nous fais” a la peau dure. Dure. Dure. Dure. Partout, il faut mouiller la barbe. Partout, il faut graisser la patte. Partout, il faut soudoyer des gens. Partout, il faut des dessous de table. Pour être servi. Cette terrible réalité - qui doit être combattue avec la (vraie) dernière énergie - ne fait, hélas!, partie ni des priorités de l’Etat, démissionnaire, ni des préoccupations des citoyens, eux-mêmes qui se considèrent comme des “cabris morts”. Tout le monde, visiblement, a jeté l’éponge. Tout le monde s’est passé le mot pour observer la position du singe de la gravure: ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. C’est l’eldorado pour tous les voyous, ripoux et autres agents véreux. Tels ces douaniers qui n’ont pas hésité à organiser, ce mardi, une sorte d’auto-braquage pour emporter 139 millions de nos francs destinés au paiement de primes dites TS. Des policiers et des gendarmes peuvent donc continuer, allègrement, au cours de leurs trop nombreux contrôles routiers, à soutirer des fonds aux chauffeurs de taxis communaux et de véhicules de transports en commun. N’est-ce pas… normal, après tout? Des magistrats et des juges peuvent, eux aussi, et allègrement, continuer de s’en mettre plein les poches en confortant des dénis de justice par des verdicts fantaisistes. N’est-ce pas… normal, après tout? Des médecins peuvent continuer, allègrement, de déserter les hôpitaux au profit des cliniques privées, etc. Au vu et au su de tout le monde. Sans crainte de sanctions. Parce qu’après tout, il n’y a là rien que de très… normal.

Car, toute décence bue, la Côte d’Ivoire semble avoir choisi de s’installer dans l’impunité. La crise socio-politique actuelle a le dos large. Tout le monde s’en prévaut pour masquer son impuissance et l’incurie de notre administration. Cependant, si les voyants sont aujourd’hui au rouge, ils n’étaient déjà pas au vert – et même pas à l’orange - sous les régimes précédents. Qui ont posé les jalons de la déchéance morale dans laquelle nous nous vautrons aujourd’hui. Depuis la belle époque du “miracle ivoirien”, nombre de membres des gouvernements successifs et de responsables d’administration, prenant à la lettre la métaphore arachidière du Président Félix Houphouet-Boigny (“On ne regarde pas dans la bouche de celui qui grille les arachides”, disait-il), se sont mis à détourner des deniers publics, en se rendant coupables de prévarications. Jamais inquiétés, ils ont ouvert la boîte de Pandore de la course effrénée à l’enrichissement illicite qui fait rage aujourd’hui.

La dégradation avancée des mœurs recommande des mesures urgentes et draconiennes. Illico presto! Elle nécessite que les autorités prennent (enfin!) le taureau par les cornes. Hic et nunc! Pour la refondation morale de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, il est sans doute un peu tard. Mais, demain, il sera vraiment trop tard. Car, les Ivoiriens semblent avoir perdu tout repère. Sans boussole et sans référence, ils se laissent maintenant guider par leurs instincts bestiaux, rivalisant avec les animaux. Domestiques. Et même sauvages. C’est pourquoi ils font… pipi partout. Sans aucun complexe. C’est pourquoi, jetant leurs ordures ménagères partout, ils détériorent leur propre environnement. Sans aucun souci. “Ça ne tue pas Africain!”, se justifient-ils. Sans aucune honte. C’est pourquoi le sexe n’est plus du tout un tabou sous nos cieux. Et que des individus se permettent de… copuler maintenant dans des lieux publics. Et presque en public. Sans aucune gêne. Hier, Frantz Fanon fustigeait la colonisation française qui avait fait des Noirs des “peaux noires et (des) masques blancs”. A raison. Les Ivoiriens en sont la parfaite illustration. En plus d’avoir renié et leur culture et leur personnalité; en plus d’avoir lamentablement échoué à vouloir singer le Blanc, ne se retrouvent-ils pas aujourd’hui à un carrefour dangereux? Il leur appartient de bien négocier le virage. Parce qu’aucune sortie de route ne peut plus être admise. Mais encore faudrait-il que l’Etat sorte de sa torpeur et remette tout le monde au travail. Dans… l’ordre. Et dans la… discipline.

Ferro M. Bally, in Fraternité Matin, 20 juillet 2007

Publié dans Côte d'Ivoire

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S.O.S, COTE D'IVOIRE, MORALE EN DELIQUESCENCE!<br /> Chers Bien-aimés Frères et Sœurs,<br /> Il y a deux semaines de cela, un débat s'était ouvert sur le Net, précisément sur Le Blog de Théophile KOUAMOUO, http://kouamouo.afrikblog.com ,pour analyser et débattre d'une sortie des plus singulières du journaliste écrivain Venance KONAN, que Monsieur KOUAMOUO a qualifié, à juste titre, "d'invective manichéenne" et de "diabolisation hémiplégique" du régime de la Refondation.Apportant ma contribution au débat, j'ai envoyé à ce blog et à vous aussi, un mail titré "VENANCE KONAN SE TROMPE LOURDEMENT SUR SON PAYS ET SUR L'ECOLE IVOIRIENNE. FAITS ET PREUVES", dans lequel je vous faisais connaître l'article de journal d'Apollos DAN THE, un Ivoirien résidant à Zurich, en Suisse, intitulé "Qui a tué l'école ivoirienne? Réponse à Venance KONAN", paru dans le journal LE MATIN D'ABIDJAN, N° 463, du Vendredi 18 Mai 2007, sous le titre "L'école ivoirienne à l'agonie, Pourquoi le diagnostic de Venance KONAN est faux".Tout ceci pour dire que quand Venance KONAN, indépendamment des conclusions hâtives, subjectives et partisanes qu'il a tirées de son diagnostic, s'interroge sur la société ivoirienne en ces termes: "Quelle administration, quelle police, quelle gendarmerie, quelle douane, quels services des impôts, de la santé, quelle justice, quels enseignants nous attendons-nous à avoir?", face à la grande et grave corruption qui mine le pays, il pose véritablement un regard acéré et pertinent et fait un constat exact sur la dérive morale que connaît, en ce moment, la Côte d'Ivoire.Et le plus malheureux dans cette affaire, c'est bien moi, qui m'afflige quotidiennement de ce qu'est en train de devenir la Côte d'Ivoire, ma patrie, mon pays:La place de l'argent dans notre société, aujourd'hui, m'alarme. Oui, la survalorisation de l'argent tue la société ivoirienne. Par ricochet, des valeurs comme le mérite, le travail, la droiture, l'équité, l'intégrité sont devenues "vieux jeu" et font figure de parents pauvres dans un microcosme ivoirien où la vertu morale, la rectitude et l'ascèse sont en nette déperdition et cèdent, de plus en plus, la place au racket systématique, au pillage des ressources publiques (pour peu qu'on occupe un poste de responsabilité dans ce pays), à la recherche effrénée du gain et du profit et à une course folle à l'enrichissement (illicite).Je suis peut-être un peu dur, mais la réalité est là, béante comme une plaie, affreuse: Les emplois à la Fonction Publique s'arrachent à coup de millions, ainsi que les diplômes dans nos écoles. C'est en tout point de vue et dans tous les domaines (même religieux) la promotion de la médiocrité, la célébration du printemps du trafic d'influence et autre clientélisme, népotisme et despotisme de bureau ou d'administration.La gestion du bien public, une véritable paire de manche où le portefeuille personnel se confond avec la comptabilité de l'entreprise ou du service communautaire, dans la plus grande impunité (La Côte d'Ivoire doit être gouvernée! Vivement qu'arrivent les élections, pour l'avènement d'un régime fort et homogène, qui puisse redresser le pays!). En matière de gestion du bien public, le racket, les pots-de-vin et la surfacturation sont les réflexes les plus naturels des Ivoiriens (toutes tendances et obédiences politiques confondues. Voyez comment ils ont géré, dans l'omerta la plus totale, les subventions de l'Etat aux partis politiques) et, d'ailleurs, les mieux partagés. Au point où un ami de la ville où je réside, disquaire de son état, qui en a vu des vertes et des pas mûres sur cette question précise, m'a lâché, un de ces quatre matins, à la face, qu'il est convaincu que plus de 60% du budget de l'Etat de Côte d'Ivoire sont engloutis dans la surfacturation. Les Ivoiriens en ont fait une culture nationale.Où va, à cette vitesse, la Côte d'Ivoire! Arrêtons-la avant qu'elle ne s'engouffre (par le bras de l'ÉTERNEL, Censeur des Nations, revêtu du manteau de justice) dans un puits sans fond.Quand j'en arrive, enfin, à évoquer la banalisation et la dépravation du sexe et la prolifération des lieux de plaisirs mondains, je m'en affale presque.Yopougon, en la matière, fait figure de précurseur et de leader: Yopougon est devenu un maquis-night club géant, à ciel ouvert.Alors même que nous subissons de plein fouet la crise du logement en Abidjan, des appartements sont "retapés" et des maquis-bars climatisés en fleurissent, de partout. A tous les carrefours et dans toutes les rues, au mépris des règles minimales de bonne cohabitation et d'intelligence sociale.Le stress de la guerre a-t-il transformé les Ivoiriens en fêtards forcenés et en noceurs irréductibles? Je m'interroge, je m'interroge...Parlant des danses, il faut reconnaître qu'elles se résument aux mimes des ébats sexuels; quant aux concepts musicaux, il est trivial de dire qu'ils font l'apologie et le culte du bas de la ceinture (Wollosso-Azougbaguéhi, Pilé-Pilé, Sexymoulance, Fesse-tiboulance, Chokanawa, Gouanoudance et j'en passe).Le succès est assuré à celui qui accède au bas du cordeau avec le plus de tact et de finesse. Misère morale!Qu'en est-il des tenues vestimentaires? Féminines, notamment. Elles n'ont jamais été aussi excentriques et aussi voyantes!Et que dire d'un concept aussi délirant que le "Travaillement" (qui consiste à déverser des billets de banques sur un danseur, un artiste en prestation qu'on apprécie, sur une foule ou le public d'un spectacle, pour faire étalage de sa puissance financière et s'arroger l'épithète "Très, Très Fort")? Une banalisation totalement et proprement scandaleuse de l'argent dont les voies d'acquisition sont tout aussi banalisées et licencieuses. Où est la considération due à ce symbole fort qu'est l'argent et le culte de l'effort que nous devons inculquer à nos enfants et aux plus jeunes générations.Le diagnostic est sans appel. Mais l'honnêteté intellectuelle ne nous autorise pas à rendre les Refondateurs (à toutes fins utiles, je n’en suis pas un) responsables de toute la misère morale de la Côte d'Ivoire et nous interdit de pousser l'imposture jusqu'à les accuser de notre propre petitesse, de nos propres tares, contradictions et incohérences. C'est un débat de la plus haute importance et il est franchement démoniaque de les en tenir pour seuls et uniques comptables.Devant une déliquescence aussi affligeante, je voudrais vous faire un aveu. Surtout aux Chrétiens. Qui peuvent avoir une idée plus précise et nette de ce que je vais dire: Je n'éprouve aucune paix ni aucune joie de l'ESPRIT devant les magnifiques et louables avancées du Dialogue direct, à part une petite satisfaction psychique et morale. En tout cas, c’est pas la joie délirante !Je suis constamment dans la hantise et dans l'angoisse de celui qui pressent l'imminence d'un grand jugement. Je me convainc, chaque jour davantage, que la crise ivoirienne ne finira pas de la meilleure façon qui soit, et que la Belle, Prospère et Glorieuse Côte d'Ivoire annoncée par de nombreux hommes de DIEU d'Afrique et du monde, ne viendra pas sur des soubassements aussi délabrés et piteux.Le spirituel est, au demeurant, indissociable d'avec le physique. Car c’est le spirituel qui induit le physique. Nécessairement. Ce sont les deux faces d'une seule et même réalité. Cette crise a son origine et sa dimension spirituelles et ne peut pas être, définitivement et durablement, résolue sans leur prise en compte effective. La Côte d’Ivoire est, à mon avis, victime de son trop-plein spirituel.Simple opinion personnelle!Que DIEU prenne pitié de notre pays! Repentance et Contrition pour la Côte d'Ivoire!DINDE Fernand <br /> dindefernand@yahoo.fr
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D
Cher Ferro Bally,<br /> Ce diagnostic est tellement vrai et tellement si bien mené que j'en perd quelque peu mon latin. <br /> J'avais, il y a quelques mois, écrit sur le blog de Théophile KOUAMOUO ( http://kouamouo.afrikblog.com ) un mail titré S.O.S, COTE D'IVOIRE MORALE EN DELIQUESCENCE! qui rejoint avec perfection votre analyse, à part que vous, vous y avez mis le doigté du professionnel.<br /> Notre pays a emprunté, du point de vue moral, une pente franchement inquiétante dans la plus grande indifférence, aussi bien à la tête de l'Etat qu'au sein du peuple qui s'en accommode fort bien. C'est sur ce registre que j'aurais bien voulu voir les hommes de DIEU se distinguer, se singulariser, tirer la sonnette d'alarme et moraliser la Nation. Mais ils n'ont, malheureusement,  pas encore fini de s'accoquiner avec les dossiers honteux des maisons de placement d'argent et les alliances contre nature (Vaudou. Affaire Béhanzin).<br /> Ce faisant, je ne peux que pousser ce cri de désespoir: Qui sauvera la Côte d'Ivoire!!!<br /> Que DIEU vous bénisse, richement pour cet article merveilleux que je me ferai fort d'expédier à tous mes amis. Salut!<br /> DINDE Fernand<br /> dindefernand@yahoo.fr
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J
Cruel constat mais tellement vrai ! Cette espèce de permissivité qui devient de plus plus la norme dans ce pays, c'est franchement ecoeurant  !Merci pour cet éclairage.
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