Nicolas a dit...

Publié le par Mahalia Nteby

Le hasard fait bien les choses. Il n’est pas dans mes habitudes de regarder les journaux télévisés français. Pourtant, hier soir, au détour d’un banal zapping, je suis tombée inopinément sur Nicolas Sarkozy, invité au 20 heures de France 2.

« La France serait donc le seul pays au monde à ne pas pouvoir décider de qui peut rester sur son sol », s’est offusqué le ministre de l’Intérieur français. Je pense qu’il est absolument nécessaire de faire savoir à monsieur Sarkozy que le cas français n’est pas si isolé que cela. Si sa vision apocalyptique venait à se réaliser, alors la France rejoindrait la Côte d’Ivoire. Sauf que pour cette dernière, il ne s’agit pas d’un hypothétique scénario kafkaïen, mais d’une outrageante réalité. En effet, la Côte d’Ivoire est le seul pays au monde à ne pas avoir le droit de décider qui peut séjourner sur son sol.

« La régularisation massive ne fait que compliquer le problème », constate par ailleurs le candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2007, faisant allusion aux trente mille (30 000) demandes reçues par les préfectures françaises. D’ailleurs, c’est décidé, il n’en régularisera qu’au maximum six mille (6 000). Il serait intéressant de recueillir le point de vue de monsieur Sarkozy sur l’exigence posée à l’Etat de Côte d’Ivoire par la « communauté internationale» de régulariser trois millions et demi (3 500 000) de sans-papiers. Surtout quand on sait que le PIB de la Côte d’Ivoire est de 648 dollars par habitant, alors qu’il est de 33.899 dollars par tête en France. Elémentaire, mon cher Watson !

« Renvoyer au Mali des Maliens ne peut pas être qualifié de traque ou de déportation », poursuit le président de l’UMP, parti de la majorité présidentielle en Hexagone. Il est bien difficile de donner tort à monsieur Sarkozy sur ce point. Et pourtant ! Le président et le vice-président du FPI, parti au pouvoir en Côte d’Ivoire, qui ont récemment vivement dénoncé la fraude massive à la nationalité en cours lors des audiences foraines, se sont vus sévèrement tancés par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies. Quiconque ose simplement évoquer la mise en œuvre d’une procédure conforme à la Constitution d’identification des sans-papiers résidant en territoire ivoirien est aussitôt taxé de xénophobie, quand des tendances génocidaires ne sont pas immédiatement diagnostiquées. D’ici à ce que l’ami Nicolas soit interdit de voyager à l’extérieur de son pays parce que sanctionné par l’ONU, il n’y a qu’un pas… qui ne sera jamais franchi, bien sûr!

« Il ne suffit pas d’entrer en France pour avoir le droit d’être en France », martèle le ministre de l’Intérieur. Mais il suffit apparemment d’entrer en Côte d’Ivoire pour avoir le droit d’être en Côte d’Ivoire. De rester en Côte d’Ivoire. De voter en Côte d’Ivoire. D’être candidat à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Et de prendre les armes contre l’Etat de Côte d’Ivoire, au cas où celui-ci s’aventurerait à ne pas obtempérer illico.

« Nous souhaitons une immigration maîtrisée, pour que chaque immigré qui vient en France puisse avoir un travail et un logement », termine monsieur Sarkozy. Rien à redire, Nicolas ! Tu as pris dans ma bouche, comme on dit chez moi.

Nathalie Yamb in Le Courrier d'Abidjan, 17/08/2006

Publié dans Edito

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